CEMAC : Une charte pour réglementer la gestion du territoire

(Photo: Rita Willaert)

Qui du cultivateur, du forestier, de l’exploitant minier, ou encore de la conservation d’un patrimoine culturel doit avoir la prééminence sur l’autre sur une terre précise ? Comment gérer les conflits qui opposent les agriculteurs sédentaires et les éleveurs nomades et en quête constante de pâturages ? Comment protéger les droits des femmes, principale utilisatrice des terres pour la production des aliments dans de nombreuses zones rurales ? Que faire des droits ancestraux des populations lorsqu’il est question d’un conflit d’intérêt avec un investisseur de grande envergure ?  Voilà autant de situations conflictuelles qui ne trouvent malheureusement pas de réponse dans les lois foncières actuellement en vigueur dans les Etats de la Communauté Economique Monétaire d’Afrique Centrale (CEMAC). Equation difficile à résoudre pour ces pays de la sous-région dont les lois foncières sont vieilles pour la plupart de 30, 40 voire 50 ans.

Pour trouver des esquisses de solutions à ces problèmes, les Etats de la Cemac ont pour certains, entamé les démarches vers des réformes de leur législation foncière, tandis que d’autres s’apprêtent à le faire. Mais pour que ces réformes puissent résoudre le problème de la jouissance adéquate des différents droits des multi acteurs sur le même espace, « elles devront organiser la cohabitation harmonieuse entre les différents usages de la terre, et garantir la protection des plus faibles que sont les communautés, sans hypothéquer la possibilité pour le secteur privé de développer ses opérations, ni l’aptitude pour l’Etat à conduire ses politiques de développement », suggère Pierre Etienne Kenfack, professeur de droit à l’Université de Yaoundé II.  Un défi majeur pour la Commission  de la Cemac dans la mesure où « les trois axes stratégiques (Energie, Agriculture et Economie forestière, Mines et Métallurgie) identifiés par le Programme Economique Régional comme piliers de la vision 2025 demeurent directement liés à la terre » apprend-on.

Afin d’atteindre son émergence économique en 2025, la Cemac a commandé la production d’une «charte sur les politiques/réformes foncières en zone CEMAC » qui pourra offrir des pistes de réflexion, des orientations aux pays membres, dans leurs différents processus de révision des lois foncières. Le projet de Charte rédigé par l’expert de la GIZ, Angelika Friedrich  a été présenté à Douala au cours d’un atelier qui a réuni du 4 au 6 novembre, les parlementaires, les représentants des administrations foncières et les experts fonciers de la sous-région (Cameroun, RCA, Tchad, République Congo, RDC, Guinée Equatoriale, Gabon).

Il s’agit d’un « document de propositions visant à inspirer et à orienter les réformes foncières dans les pays de la sous-région sur la base du respect de l’équilibre entre les aspects écologique, économique, politique, historique, social et culturel », a résumé Angelika Friedrich. Même si le document met l’accent sur l’émergence économique de la sous-région, il recommande que les Etats dans leurs réformes tiennent compte de la réalité du terrain en reconnaissant par exemple le droit d’accès à la terre comme l’un des éléments centraux pour l’avènement de la stabilité et de la cohésion sociale. Ou encore que les Etats veillent à ce que les investissements et les acquisitions à grande échelle ne conduisent pas à  des expropriations injustes et sans compensations adéquates. La charte recommande aussi aux Etats qu’ils prennent des mesures effectives pour assurer l’utilisation rationnelle des ressources naturelles, la sécurisation des droits fonciers et l’exploitation durable des terres en zone transfrontalière.

Le document qui, au final, se veut  « non contraignant »,  s’est inspirée des instruments politiques régionaux en matière de gouvernance foncière sur le continent entre autres, les directives volontaires de la FAO et le Land Policy Initiative de l’Union Africaine. S’il est adopté par les Etats CEMAC, sa mise en œuvre pourrait « aider à résoudre certaines injustices observées notamment en milieu rural, où, dans la plupart des pays de la sous-région, les droits fonciers coutumiers ne sont pas reconnus aux communautés » commente Djeralar de la société civile tchadienne.

« Nous sommes conscients que posséder une Charte ne suffit pas, il faut encore la comprendre et par la suite, la faire admettre par nos politiques qui voudront s’en référer dans le processus de transformation de leurs droits fonciers », a commenté Fidèle Eya M’ve, représentant de la Cemac qui a ouvert les travaux de Douala.

Origine: Centre pour l'Environnement et le Développement


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